Pourquoi les vétérinaires séduisent-ils l’industrie ?
C’est un vétérinaire qu’on voit nommé à la tête de Boehringer Ingelheim France en novembre dernier. Erick Lelouche, après quelques années d’exercice en clientèle, gravit les échelons du deuxième plus grand laboratoire pharmaceutique mondial. Cet exemple emblématique de réussite est tout de même l’expression d’une réalité statistique : les vétérinaires séduisent l’industrie et leurs qualités y sont reconnues. C’est d’ailleurs le deuxième secteur de reconversion chez les anciens praticiens en clientèle.
Un schéma de formation en adéquation avec le tissu industriel
Les vétérinaires ont naturellement une légitimité dans deux secteurs industriels de pointe en France : l’industrie pharmaceutique, première européenne et l’industrie agroalimentaire, premier employeur national. Cette légitimité s’appuie sur deux éléments : le contenu de la formation et sa forte proximité structurelle avec l’ingénierie.
Dans les Écoles Nationales Vétérinaires, des connaissances solides en pharmacie bien évidemment, mais également en qualité et sécurité des aliments peuvent avoir des applications directes pour l’appareil productif. De plus, la structure de la formation depuis 2005 et l’apparition des classes préparatoires BCPST (Biologie Chimie Physique Sciences de la Vie et de la Terre) établit une parenté évidente avec les formations d’ingénierie. Les symboles de cette généalogie sont l’ouverture en 2017 de quelques places à l’École Polytechnique pour la voie BCPST, et la fusion en 2010 entre l’École Agronomique de Clermont Ferrand et l’École vétérinaire de Lyon pour devenir VetAgro-Sup.
Cette adéquation se traduit aussi géographiquement. Ce n’est pas un hasard si on retrouve les écoles vétérinaires dans des bassins de production historiques tels que Nantes pour la filière agroalimentaire ou Lyon pour l’industrie pharmaceutique.
Des qualités individuelles dans des secteurs exigeants
Les laboratoires reconnaissent aux vétérinaires leurs qualités opérationnelles acquises par leur expérience de terrain. Les nouveaux embauchés ont généralement déjà exercé en clientèle, ce qui est souvent un critère de recrutement. Cela explique qu’ils occupent principalement des postes de marketing dans l’industrie pharmaceutique, permettant de produire des médicaments adaptés aux nombreuses contraintes qu’ils connaissent bien en pratique (forme galénique, simplicité d’administration par exemple). Leur force de travail et leur adaptabilité sont des qualités généralement admises.
La quasi-totalité des vétérinaires embauchés dans l’industrie réalisent tout de même une formation complémentaire après leurs études, en particulier en commerce. Pour réussir, ils devront également corriger les défauts qu’on leur impute souvent : le manque d’ouverture à l’internationale et l’individualisme.
Mais le panel des connaissances n’est peut-être pas la plus grande force des postulants, la personnalité qu’ils ont pu développer grâce à leur formation est peut-être encore plus originale.
La fin d’un Eldorado pour les vétérinaires ?
L’emploi vétérinaire en industrie connaissait son âge d’or dans les années 2000, car ils demeuraient rares sur un marché en pleine expansion. Mais dans l’industrie pharmaceutique, la frénésie d’autrefois est révolue en raison du développement des génériques, ou encore de la stagnation du marché de l’élevage. Aujourd’hui, il semble tout de même plus difficile pour les jeunes diplômés d’accéder à ces postes, en particulier sans formation complémentaire.
Les domaines de la règlementation et du contrôle qualité restent en plein développement et pourraient conduire à de nombreux recrutements. Des marchés sont à conquérir davantage, notamment dans les pays émergents. Depuis la mise en place d’une formation en cinq ans, les jeunes vétérinaires peuvent réaliser une année d’approfondissement dans un secteur au choix. Les écoles établissent toujours plus de partenariats pour permettre des formations hybrides et complémentaires : à eux de saisir ces opportunités d’ouverture pour conserver leur place dans l’industrie, et revendiquer la plasticité et la diversité de leur profession.